Le pardon, un cadeau pour moi

par | 20 Août 2019 | Développement personnel | 2 commentaires

Voilà un certain temps que je me demande comment aborder la question du pardon dans l’entreprise. L’entreprise est un lieu de relations. Certaines relations sont épanouissantes, elles nous nourrissent, d’autres sont blessantes voir toxiques et peuvent aller jusqu’à nous rendre profondément malades, à nous détruire si nous ne nous soignons pas. Pour guérir nos blessures relationnelles, il existe un remède puissant que je croyais connaitre : le pardon.

Cet été, j’ai été amené à parler du pardon dans le cadre d’une session pour couples. En préparant cet exposé, j’ai pu approfondir ma compréhension de ce qu’est le pardon et aussi de ce qu’il n’est pas. Plutôt que d’écrire un article spécifiquement orienté sur le pardon en entreprise, je vous partage ci-dessous le texte de cet exposé sur le pardon.  Bonne lecture.

C’est quoi le pardon ? Si je demandais à chacun de me donner sa définition ou tout ce qu’il attache au pardon, je pense que j’obtiendrais des réponses assez différentes. Poser vous la question : « pour moi, c’est quoi le pardon ? ».  Pour certains, rien que d’entendre le mot, les boutons apparaissent suite à des discours ou des expériences particulièrement pénibles. Des obligations de demander pardon, des confessions presque forcées, des obligations de faire semblant de pardonner…

Je vous propose donc de commencer par définir le pardon. Et pour mieux définir un concept un peu compliqué, rien de tel que de commencer par dire ce que ce n’est pas. Cette approche est bien nécessaire pour aborder le pardon.

Ce que le pardon n’est pas ou les obstacles au pardon

Il existe de nombreuses croyances fort répandues à propos du pardon. Elles rendent dès le départ le pardon difficile, voire impossible.

Pour pardonner il faut oublier

La première est probablement que pour pardonner il faut oublier. Si c’était vrai, à moins d’être atteint d’Alzheimer, seules les petites choses pourraient être pardonnées. Qui peut oublier ce qui l’a profondément blessé ? 

« Vivement Alzheimer, j’aurai enfin tout pardonné ! »

Et puis, il y a cette réalité qu’il m’est difficile à accepter, mais qui me parait pourtant tout à fait fondamentale : ce qui me construit avant tout, c’est ce qui a été difficile, ces épreuves, ces échecs, ces douleurs qui sont autant de croix qui m’appellent à renaître, à vivre plus fort, à être davantage moi-même. Derrière chaque blessure, se cache un cadeau ; si j’oublie, comment le recevoir ? Je peux garder le souvenir de l’évènement, la leçon que j’ai apprise, sans avoir besoin de garder la douleur. Lorsque la blessure est guérie, il reste la cicatrice, c’est la mémoire de ce qui m’a été fait, mais je ne ressens plus la douleur. C’est la même chose lorsque j’ai pardonné : je n’ai pas oublié, mais je ne suis plus en colère, triste ou terrorisée, c.à.d. émotionnellement bloqué.

Non, pardonner, ce n’est certainement pas oublier.

Pardonner c’est cautionner

Certains pensent qu’en pardonnant, ils cautionnent ce qui leur a été fait. Si je pardonne à mon conjoint qui m’a trompé, c’est comme si je lui donnais le feu vert pour continuer à me tromper. Si je pardonne à ce patron qui m’a rendu la vie impossible, c’est comme si je m’écrasais, que j’acceptais son comportement. Non, pardonner, ce n’est pas cautionner. Je peux entrer dans un véritable chemin de pardon, tout en laissant la justice faire son travail par rapport à l’acte qui a été fait de sorte que la personne soit confrontée aux conséquences de ses actes.

Non, pardonner, ce n’est certainement pas cautionner.

Pour pardonner il faut que l’autre me demande d’abord pardon

Une troisième croyance assez répandue est que pour pardonner il faut d’abord que celui qui m’a fait du tort me demande pardon. Si je crois cela, je donne à l’autre le pouvoir de m’enfermer dans ma rancœur. Cette croyance pose bien sûr un problème encore plus grand lorsque celui qui m’a blessé est mort, car dans ce cas, le pardon devient impossible.

Non, pardonner, ne nécessite pas que l’autre me demande d’abord pardon.

Pardonner c’est se réconcilier

Si le pardon est probablement une étape indispensable à toute vraie réconciliation, la réconciliation n’est pas une étape du pardon. Pardonner ne veut donc pas dire se réconcilier. Je peux pardonner à quelqu’un qui m’a fait du tort et décider de ne plus le revoir. Si j’ai décidé de quitter un proche qui m’a blessé, je peux lui pardonner tout en décidant de ne pas renouer avec lui, d’autant plus dans le cas où ce proche n’a pas changé et reste blessant, voir toxique pour moi.

Non, pardonner ne veut pas dire se réconcilier.

Alors le pardon c’est quoi ?

3 métaphores pour entrer dans le pardon qui veulent illustrer que si je pardonne, c’est d’abord pour moi. Le pardon n’est pas un cadeau que je fais à l’autre, c’est avant tout un cadeau que je me fais à moi-même. Je pardonne pour enlever un poids sur mes épaules, pour me libérer, m’alléger. André Harvey, un canadien qui a écrit sur le pardon, le compare à une boule de merde que j’ai en bouche : tant je ne la crache pas, mais que je continue à la mâchouiller, ça pue et je pue, il faut que je la crache pour retrouver le goût de la vie. Oui, le pardon c’est d’abord pour moi.

Soigner les blessures du cœur

La première image est celle de la blessure du cœur. Pardonner, ce n’est pas prendre soin de l’autre, de celui qui m’a fait du mal, non, pardonner, c’est prendre soin de mon cœur blessé.

Quand quelqu’un m’agresse physiquement, par exemple avec un cutter, et qu’il me coupe, je vais immédiatement prend soin de cette blessure. Si la blessure est superficielle, je vais le faire moi-même. Si elle est plus profonde, j’irai aux urgences pour me faire soigner par un médecin.

Par contre, quand quelqu’un me fait du mal intérieurement, je n’ai souvent pas le réflexe de me soigner. La première douleur passée, mon cœur se rempli de rancœur, il s’obscurcit, s’alourdit, se crispe de plus en plus. Souvent j’attends que mon agresseur vienne me demander pardon pour prendre soin de ma blessure. C’est un peu comme si lorsque je me suis fait agresser dans la rue, je demande à mon agresseur de soigner ma blessure, de la recoudre. Cette attitude n’a pas de sens : c’est à moi de prendre soin de mes blessures en me faisant, si nécessaire, aider par des personnes compétentes : accompagnant, psi ou psychiatre.

La douche de l’âme

La seconde image est celle de la douche de l’âme : pardonner c’est me nettoyer de tout ce qui me salit, me colle à l’âme et au cœur, de tout ce qui m’obscurcit. Imaginez que je ne prenne qu’une douche par an ou même jamais ? Mon odeur deviendrait insupportable pour mon entourage et pour moi-même. Comme je me lave tous les jours, prendre soin de mon âme, c’est pardonner sans cesse.  Donc un seul conseil : la douche quotidienne !

Le pardon est source de résurrection, de vie

Tant que je ne m’engage pas sur le chemin du pardon, mon cœur continue de saigner, la vie ne peut renaître, ma rancœur étouffe la vie en moi, m’empoisonne à petit feu. A partir du moment où je décide de pardonner, c’est-à-dire à partir du moment où je choisis la vie, c’est comme une fenêtre qui s’entrouvre dans une pièce qui était plongée dans l’obscurité : immédiatement la lumière apparaît et m’invite à avancer, à laisser à nouveau l’amour habiter mon cœur, à redevenir source d’amour. Le chemin peut-être long pour que toute rancœur disparaisse, cela peut prendre des mois, des années peut-être avant que je puisse dire, non plus avec ma tête, mais avec tout mon être : « non, je ne lui en veux plus. Je lui souhaite de tout cœur de trouver la paix et le bonheur. ».

« Pardonner, c’est renoncer à tout espoir d’un passé meilleur »

Jack Kornfield

Comment pardonner

Il existe de nombreuses approches pour pardonner. Je vous propose un chemin en 5 étapes.

Étape préliminaire : décider de ne plus souffrir

Il est difficile, voire impossible, d’entamer un chemin de pardon tant que ma blessure est ré-ouverte et entretenue chaque jour. Si je reste avec ce patron qui me harcèle tous les jours, avec un conjoint qui me bat ou qui continue à me tromper, comment

puis-je prendre le chemin du pardon ? Cela a l’air évident et pourtant, ce changement nécessaire est perçu comme une sortie de ma zone de confort : je suis installé profondément dans mon fauteuil assis sur des punaises, voir des clous et je vis avec depuis si longtemps. Que va-t-il se passer si je sors de là ? Ce mouvent, est perçu, inconsciemment, comme un danger. La première étape sera donc de faire cesser la souffrance directe, la souffrance indirecte étant celle provoquée par la rancœur.

2ème étape : Prendre conscience de ma blessure

Tant que je ne prends pas conscience que je suis blessé, ou que j’ai été blessé il y a bien longtemps, je ne peux pas m’engager sur le chemin du pardon. Cette prise de conscience est indispensable. Souvent elle est évidente, mais pas toujours. Un ami m’expliquait que ses parents l’avaient mis en pension à l’âge de 12 ans. Ce n’était pas son désir et pendant les 7 années qui ont suivi il y a souffert et s’est toujours senti exclu. Ce n’est que des dizaines d’années plus tard qu’il a pris conscience, non pas de sa souffrance, mais de sa blessure qui était toujours béante, qu’il n’avait jamais soignée, il a pris conscience qu’il en voulait à ses parents. Dans sa tête il comprenait que ces parents, loin de vouloir le rejeter, l’avaient mis là parce qu’ils étaient convaincus que c’était pour son bien, mais dans ses tripes et dans son cœur, il y avait toujours de la rancœur et cette rancœur sapait la relation avec son père et sa mère. Il a pu dès lors entamer un chemin de pardon et découvrir une qualité de relation avec ses parents qu’il n’imaginait pas avoir un jour.

3ème étape : Désirer/décider le pardon

Notre culture judéo-chrétienne nous enseigne qu’il faut pardonner. Les évangiles ne nous disent-ils pas dit qu’il faut pardonner jusqu’à 77 fois 7 fois ? Le problème, c’est que le pardon est une histoire de cœur et que tout ce que je fais par obligation, je le fais à contre-cœur.

Nous sommes donc invités à passer du « je dois pardonner » à « je veux pardonner » pour que mon cœur puisse s’ouvrir et offrir ce pardon.

« C’est de l’amour que découle le sentiment du pardon. Il n’y a que l’amour qui pardonne. »

Peter Deunov

4ème étape : Entrer dans la démarche : prendre le chemin du pardon

Le pardon ne se décrète pas, c’est un chemin qui peut être long et ardu si la blessure est profonde. Comme tout chemin, si je veux recevoir tout ce qu’il a à me donner, je suis invité à le parcourir sans me presser, en le goutant à chaque pas, en pleine conscience.

Il existe de nombreux outils qui peuvent nous aider à parcourir ce chemin. Je vais en évoquer quelques-uns. A vous de voir ce qui vous convient. Vous trouverez dans la littérature ou sur internet de nombreuses approches. Je vous en propose ci-dessous quelques-unes qui m’ont aidé ou me parlent particulièrement.

Le 2ème accord Toltèque

Le 2ème accord Toltèque nous dit :

« N’en faites jamais une affaire personnelle »

Don Miguel Ruiz

Comprendre que les réactions, les attitudes, les comportements de la personne qui m’a blessé ne sont pas contre moi, mais parlent d’elle, de ce qu’elle vit intérieurement, de ses colères, de ses peurs, de sa tristesse ou de ses doutes. En me connectant à ce que la personne vit intérieurement plutôt que de rester figé sur ses paroles ou ses actes qui m’ont blessé, je peux avancer sur le chemin du pardon.

Prier pour l’autre ou tout simplement lui vouloir du bien

Un outil que j’utilise fréquemment, c’est la prière. Quand quelqu’un m’a blessé, je prie pour lui. Je demande au Seigneur de prendre soin de lui, de le combler.  En faisant cela, c’est plus fort que moi, plus fort que ma rancœur, je me mets à aimer cette personne à nouveau. Oh, pas tout de suite, cela peut prendre des semaines, mais petit à petit, le pardon fait son chemin de guérison dans mon cœur blessé. Peut-être n’avez-vous pas l’habitude de prier, même pas pour vous-même, alors j’ai envie de dire que c’est l’occasion de vous y mettre. Peut-être n’avez-vous pas la foi. Dans ce cas, je vous invite à remplacer cette prière par des pensées positives pour cette personne qui vous a fait du mal, souhaitez-lui dans votre cœur d’être pleinement heureuse. Votre cœur guérira. 

Les cercles du pardon

Il existe aussi les cercles du pardon (www.cerclesdepardon.fr) lancés par Olivier Clerc à partir de ce que lui a transmis Don Miguel Ruiz, l’auteur des Accords Toltèques. Il s’agit de réunions animées qui permettent d’entrer dans la démarche de pardon. C’est une belle façon de se mettre en route, quand seul c’est difficile.

Le sacrement de la réconciliation

J’aime bien l’appeler le sacrement de la tendresse. Se plonger

dans le cœur de Dieu qui n’est qu’amour. Y jeter tout ce qui n’est pas amour et sentir nos noirceurs disparaître comme des gouttes d’eau jetées au cœur d’un volcan en fusion. Il s’agit bien sûr d’une démarche de demande de pardon, mais comment ne pas pardonner quant à moi tout est pardonné.

Demander pardon pour entrer dans le pardon

Cette dernière approche va peut-être vous choquer. Elle est paradoxale, car pour pardonner, elle nous invite à demander pardon.  Si par exemple, la personne qui m’a blessé s’appelle Paul, cette démarche consiste à dire dans son cœur :

« Paul, je te demande pardon d’avoir utilisé tes actes (ou tes paroles, ton attitude, ton comportement…) pour fermer mon cœur. »

En répétant régulièrement cette phrase sur ce chemin du pardon, mon cœur s’ouvre à l’amour et guéri.

Les outils qui précèdent ne sont que quelques exemples. A chacun de trouver ce qui lui convient pour avancer sur le chemin du pardon.

5ème étape : la guérison

Le contraire du pardon c’est la rancœur. Lorsque je ne ressens plus de rancœur en pensant à ce qui m’a été fait, lorsque je n’en veux plus à la personne qui m’a blessé, je sais que je suis guéri : j’ai accueilli le don du pardon.

Cette dernière étape tombe comme un fruit mur. Beaucoup disent que le pardon est une grâce, un cadeau que je reçois, un don. Je ne peux pas le décréter. Il ne suffit pas de dire un beau jour « j’ai pardonné » et croire que par mes paroles toute rancœur aura disparu. Non, le pardon, la guérison de mon cœur blessé, est le résultat du chemin parcouru. Un jour, je me rends compte que ma rancœur a disparu, ma blessure s’est cicatrisée, la douleur a cédé la place à la douceur, mon cœur peut aimer à nouveau sans nuages.

Est-ce que tout est pardonnable ?

C’est une question qui revient souvent : « Est-ce que tout est pardonnable ? ».

La réponse dépend de la définition que je donne du pardon. Si pardonner c’est cautionner ou encore oublier, alors, bien sûr que non, tout n’est pas pardonnable. Si le pardon sous-entend d’office la réconciliation avec celui ou celle qui m’a blessé, là aussi le pardon n’est pas toujours possible, ni même souhaitable.

Par contre, si le pardon n’est ni l’oubli et ni le cautionnement du mal qui m’a été fait, si pardonner ne veut pas dire me réconcilier avec une personne qui est peut-être encore toxique pour moi, mais si le pardon c’est la guérison du cœur, la douche de l’âme, c’est laisser la vie renaitre en moi, si pardonner, c’est libérer la source de l’amour en moi, alors, oui, tout est pardonnable.

Cet exposé est largement inspiré par les conférences et les livres d’Olivier Clerc. Merci à lui pour tout ce qu’il m’a permis de découvrir.

Que les pardons que vous donnerez tout au long de votre vie guérissent votre cœur et libère en vous la source de l’amour.

Pierre de Lovinfosse

Sources :

2 Commentaires

  1. Avatar

    J’utilise et j’aime aussi particulièrement la définition: « Pardonner, c’est comme (prendre le risque de) libérer inconditionnellement un prisonnier dangereux et se rendre compte par la suite qu’en fait, vous êtes ce prisonnier. »

    Réponse
    • Pierre de Lovinfosse

      Merci Olivier. Ta définition explique parfaitement la photo en début d’article: pardonner, c’est briser nos propres chaines.

      Réponse

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L’auteur

Pierre de Lovinfosse

Pierre de Lovinfosse

Coaching individuel, de groupe et formations. Il s’est donné pour mission d’aider les dirigeants à mettre leur entreprise au service de l’humain : l’entreprise comme ressource pour l’humanité, plutôt que l’homme comme ressource pour l’entreprise. Il s’intéresse tout particulièrement à la problématique du leadership qui constitue son sujet principal de coaching et de formations. https://www.effatacoaching.com

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